L’air serein et le regard déterminé, Catherine Dadai - Kolyang se tient comme chaque Lundi devant les apprenantes du Centre de formation Saare Tabitha qu’elle dirige depuis plus de 10 ans aux cotés d’une équipe jeune et dynamique.

Elle leur parle comme le ferai toute mère à ses filles, de la nécessité d’être autonome et de ne compter que sur soi même dans un monde où les mariages précoces où forcés touchent environ 1 femme sur 2.

Afin de redynamiser le combat qu’elle mène dans cette région de l’Extrême Nord, cette mère de 3 enfants est retournée il y’a 2 ans sur les bancs de l’Université de Maroua et est ressortie en 2013 avec un Diplôme en Genre et Développement.

Le sourire aux lèvres, elle explique que ce chemin n’a pas été facile :

Des incompréhensions diverses. Au début mes enfants ne comprenaient comment leur école se fait le jour et lorsqu’ils rentrent moi je prends le sac pour y aller. Le plus petit (4 ans) se lamentait qu’à mon retour il serait déjà endormi, sans m’avoir vu! Le monde pour lui était à l’envers.

Il y avait aussi des adultes qui ne comprenaient pas pourquoi faire encore des études alors que j’ai un foyer avec des enfants, un poste de travail et par-dessus tout après avoir fait des études à l’étranger.

Des collègues de travail se demandaient quand est-ce que je me reposais: Je suis le jour au travail et la nuit à l’école.

Dans la même logique et malgré les défis du quotidien, Zoben, Chargé de la Maintenance au Saare Tabitha a décidé lui, d’encourager son épouse à reprendre des études et à la soutenir dans cette démarche. Après 2 années d’école en cours du soir, elle a obtenu son Brevet et vient juste de passer le concours de l’ENIEG afin d’être enseignante.

Ca n’a pas été facile, confirme –t-il :

Je l’ai aidée à comprendre à quel point elle est importante pour la société. Qu’elle n’est pas faite pour orner la maison, mais pour bâtir notre famille avec le concours de chacun/e de nous deux. Le désir pour moi était de partager ce que j’ai reçu du séminaire tenu au ST sur le Genre et Développement et les injustices qui y sont liés. J’ai compris alors combien il est important d’intégrer cette approche dans la vie quotidienne de la famille.

De tels changements bouleversent certaines normes locales qui prônent des valeurs très asservissantes pour les Femmes de la région. Face à cela, il a fallu lutter et démontrer qu’un tel chemin en valait la peine.

En réalité ça n’a pas été facile… Continue ce père de famille de 2 enfants.

J’ai pu gérer ce stress grâce au concours des collègues qui m’ont soutenu avec leurs conseils et encouragement. Si aujourd’hui je suis à ce stade, c’est le résultat d’une raison que je me suis faite. Celle d’endurer tout jusqu’au bout.

Une conviction que partage pleinement Rene Teswe, Surveillant Général au Saare Tabitha, qui s’engage très activement depuis des années dans la lutte contre les violences faites aux Femmes/Filles et dénoncent les nombreuses discriminations que subissent ces dernières dans les communautés du Nord Cameroun.

Il a lui aussi repris ses études en fin 2011 et a obtenu en Aout 2013 son diplôme universitaire en Genre et Développement :

La conciliation boulot et formation en cours d’après-midi pendant deux ans durant n’a pas été facile. Il fallait communiquer autour de soi pour informer de son emploi du temps, redoubler d’effort et de vigilance pour ne pas oublier ce qu’il ya à faire quotidiennement, gérer parcimonieusement le temps, les moyens et restreindre les loisirs (…).Le succès a été au bout des efforts fournis

Le message de Catherine face à tous ces changements semble clair :

Les actions menées en matière de développement ne concernent pas seulement un sexe. Le développement est le contraire de la pauvreté. Si l’humanité veut réduire et pourquoi pas abolir la pauvreté, les deux sexes sont appelés a participer au combat sans oublier que nous avons des droits et devoirs. Il est possible de conduire un engin avec une seule main mais pour arriver sain et sauf à destination, l’intervention de la seconde main est salvatrice. Les efforts conjugués ont plus de résultats. La gent féminine n’a pas été créée pour combattre celle masculine, mais pour que les deux soient complémentaires!

Un message partagé également par Zoben et René, qui encourage les hommes à mieux soutenir leurs filles et femmes dans un monde où la pauvreté des familles et l’absence d’éducation/formation professionnelle fait des ravages.

Le regard tourné vers un avenir qu’ils/elle savent plus équitable entre les Hommes et les Femmes de cette région, l’équipe administrative du Saare Tabitha s’est dotée d’armes de paix durables : Des nouvelles compétences qui renforceront la qualité du travail en faveur du respect des Doits des Filles et Femmes de cette région.